Quand l’Europe perd ses vertus

Redigé par Tite Gatabazi
Le 12 novembre 2025 à 03:14

L’Europe, et plus particulièrement la Belgique, est aujourd’hui secouée par un événement qui pourrait sembler anecdotique s’il ne révélait pas les fissures profondes de ses élites : Didier Reynders, 67 ans, ancien vice-premier ministre, ministre des Finances, président du Parti libéral francophone et commissaire européen à la Justice, a été mis en examen pour blanchiment d’argent.

Derrière les apparences d’une procédure judiciaire classique se dessine, en réalité, un tableau saisissant de l’opacité financière, du double langage politique et de l’indulgence coupable des institutions face aux pratiques répréhensibles de leurs plus hauts dignitaires.

L’affaire, initiée en décembre 2024 après le départ de M. Reynders de la Commission européenne, révèle des flux financiers suspects et des achats massifs de jeux de hasard, pour un montant de 200 000 euros dans un point de vente situé à proximité de son domicile bruxellois.

Il est remarquable que l’épouse de l’intéressé, magistrate retraitée, ne soit pas impliquée juridiquement, ce qui souligne l’extrême subtilité avec laquelle les cercles de pouvoir protègent leurs membres. Ce n’est pas seulement un manquement légal ; c’est une atteinte manifeste à la crédibilité de la politique, un déni des principes éthiques les plus élémentaires et un avertissement cinglant pour les citoyens que la vertu officielle n’est souvent qu’un masque soigneusement entretenu.

Mais là où le scandale dépasse le cadre national, c’est dans la portée symbolique de cette mise en examen. L’Occident, si prompt à se présenter en guide moral du monde et à sermonner l’Afrique ou l’Asie sur l’intégrité et la gouvernance, se retrouve soudain confronté à sa propre imposture.

Comment convaincre des nations africaines de suivre des principes démocratiques et éthiques lorsque leurs modèles autoproclamés s’adonnent aux pratiques financières les plus discutables, lorsque ceux qui donnent des leçons publiques se révèlent incapables d’honorer les standards qu’ils prônent  ? L’affaire Reynders est un miroir impitoyable : elle reflète une Europe qui prêche la morale mais qui s’en détache dès que l’intérêt ou le confort personnel l’exige.

Cette mise en examen doit être perçue pour ce qu’elle est : non seulement un scandale judiciaire, mais un tremblement de terre moral. Elle fragilise la confiance du citoyen dans ses institutions, ébranle la légitimité des responsables politiques et révèle combien l’autorité morale occidentale, si souvent brandie à l’international, est en réalité fragile, contingentée et à géométrie variable.

Dans ce contexte, la politique européenne apparaît moins comme un engagement de service public que comme un théâtre où se jouent les contradictions et les hypocrisies des puissants.

Le temps n’est plus à la dissimulation. Il est urgent que la justice suive son cours, que la transparence devienne la règle et que la responsabilité des élites cesse d’être un concept abstrait. Car chaque scandale de cette nature ne se limite pas à un homme ou à un pays  : il ébranle les fondements mêmes de la démocratie et jette le doute sur la capacité de l’Occident à incarner les valeurs qu’il proclame, à moins que la vertu ne redevienne une exigence concrète et non un simple ornement rhétorique.

Didier Reynders, 67 ans, commissaire européen à la Justice et ancien ministre belge, a été mis en examen pour blanchiment d’argent

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