Urgent

L’hypocrisie d’une classe politique française en sursis moral

Redigé par Tite Gatabazi
Le 26 septembre 2025 à 06:30

La scène politique française, décidément coutumière des volte-face moralisatrices, vient une fois de plus d’offrir un spectacle des plus affligeants. Sitôt qu’un des siens se voit rattrapé par les rigueurs de la justice, la corporation politique abandonne tout scrupule, congédie la mémoire des faits et balaie d’un revers de main le faisceau d’indices ou de charges pourtant minutieusement exposés.

Dans une unanimité à peine feinte, elle s’emploie à substituer au débat de droit un vacarme d’indignation feutrée, comme si la magistrature avait osé franchir un seuil sacrilège en s’attaquant à ceux que l’on voudrait croire investis d’une intouchabilité quasi monarchique.

Ainsi, à l’occasion des récentes condamnations qui frappent aussi bien Nicolas Sarkozy que Marine Le Pen, la rhétorique du déni s’est remise en branle, avec la même mécanique pavlovienne. Ici, l’on crie au « complot judiciaire », là, l’on évoque la « cabale » médiatico-politique, ailleurs encore, l’on s’abrite derrière le totem de « l’acharnement ».

Rien, absolument rien, ne semble pouvoir rappeler à ces responsables politiques que la justice, loin d’être un instrument de convenance, demeure l’ultime gardienne de l’État de droit. Ce n’est plus le débat serein sur les infractions reprochées qui prévaut, mais l’aveugle solidarité d’une caste qui, dès qu’elle se sait menacée, préfère travestir la réalité plutôt que de répondre des actes qui lui sont imputés.

Le miroir déformant des indignations sélectives

Cette hypocrisie foncière traduit une déformation structurelle de la vie publique française. L’élu, auréolé d’une légitimité électorale, se croit dispensé des exigences communes, comme si le suffrage universel, en le consacrant, lui conférait un sauf-conduit moral. La moindre condamnation devient alors une offense insupportable, un affront fait à la « volonté du peuple », quand bien même les faits reprochés relèveraient de l’enrichissement personnel ou du mépris flagrant des règles. Le peuple, pourtant, n’est pas dupe : il perçoit la duplicité d’une élite qui prêche la rigueur à ses concitoyens tout en revendiquant pour elle-même l’immunité et l’exemption.

Or, la République ne saurait tolérer ces indignations sélectives. Le citoyen ordinaire, confronté à la rigueur de la loi, n’a ni tribune médiatique, ni armée d’avocats pour dénoncer une « décision choquante ».

Que penser d’un ordre démocratique où l’élite politique, censée incarner la probité et la responsabilité, donne le spectacle inverse : celui d’une fuite en avant, d’un réflexe corporatiste, d’une diversion éhontée destinée à évacuer la gravité des charges ?

Une République menacée par l’impunité

Il est urgent que la France rompe avec cette tentation de l’impunité politique. La justice, certes faillible comme toute institution humaine, n’en demeure pas moins le rempart indispensable contre la dérive oligarchique. Ceux qui prétendent exercer la plus haute charge de l’État ou diriger des formations d’envergure nationale devraient être les premiers à donner l’exemple d’une soumission sans réserve aux décisions des tribunaux.

A défaut, c’est le principe même de l’égalité devant la loi qui se trouve bafoué, et avec lui la confiance déjà chancelante des citoyens envers leurs dirigeants.

En vérité, ce n’est pas la justice qui affaiblit la République en sanctionnant les puissants, mais bien l’hypocrisie d’une classe politique qui se refuse à reconnaître ses propres manquements. Tant que perdurera cette culture de l’esquive, cette inclination à se poser en victime sitôt que les preuves accablent, la démocratie française demeurera prisonnière d’une illusion : celle d’une élite qui, sous couvert de représenter la nation, ne cherche trop souvent qu’à se protéger elle-même.

La scène politique française illustre une nouvelle fois son hypocrisie : dès qu’un élu est rattrapé par la justice, ses pairs oublient les faits et minimisent les charges pourtant établies

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