Urgent

Le naufrage ou l’orgueil présidentiel précipite la défaite démocrate

Redigé par Tite Gatabazi
Le 15 mai 2025 à 10:11

C’est un récit d’amertume et de déchéance, un procès sans fard intenté à la vanité d’un pouvoir qui s’agrippe à lui-même, même lorsque ses fondements vacillent. L’ouvrage récemment paru, Original Sin, fruit de l’enquête minutieuse des journalistes Jake Tapper (CNN) et Alex Thompson (Axios), se présente comme l’anatomie crue d’un désastre politique.

Ce désastre, c’est celui de la campagne présidentielle de 2024, marquée par la défaite de Kamala Harris face à Donald Trump, mais plus encore par la faillite morale et stratégique du camp démocrate, incarnée jusqu’à l’aveuglement par l’ex-président Joe Biden.

Parmi les voix qui s’élèvent dans cette chronique implacable de la déroute, celle de David Plouffe retentit avec une gravité particulière. Artisan du triomphe d’Obama en 2008, stratège chevronné et homme de l’ombre devenu vigie lucide, Plouffe fut appelé en urgence pour orchestrer la campagne de Kamala Harris, après le retrait tardif et laborieux de Joe Biden. Ce qu’il découvre alors n’est rien d’autre qu’un champ de ruines : désorganisation, impréparation, décrochage cognitif du président sortant, et surtout un parti incapable de regarder en face l’évidence de l’érosion d’un leadership devenu déliquescent.

“Tout cela, c’est Biden”, tranche Plouffe, avant de lâcher, dans un accès de désespoir contenu, un verdict sans appel : “Il a tout foutu en l’air.” Derrière cette sentence brutale se dessine le constat d’une obstination coupable : celle d’un homme dont l’ambition personnelle, ou peut-être la crainte de sa propre fin politique, aura fermé les yeux sur l’exigence collective du moment historique.

Les avertissements furent pourtant nombreux. Barack Obama lui-même, en 2023, avait formulé une mise en garde limpide : “Assure-toi simplement de pouvoir gagner la course.” Mais ni les signaux d’alarme, ni les appels des grands donateurs, ni même les murmures inquiets de conseillers proches n’auront entamé la forteresse du déni érigée par le cercle restreint de Biden.

La Maison-Blanche, selon les témoignages rassemblés dans le livre, s’est peu à peu muée en une zone d’ombre où l’on dissimule les failles, où l’on protège le chef de son propre déclin, quitte à compromettre l’avenir politique d’un pays tout entier. Le parti démocrate, paralysé par la peur du vide ou la fidélité mal placée, n’a su concevoir ni plan de succession, ni stratégie alternative.

Ainsi, lorsque Joe Biden se résout enfin, dans un ultime geste de lucidité, à se retirer en juillet 2024, il est déjà trop tard. Kamala Harris hérite d’une machine grippée, d’un élan brisé, d’un électorat échaudé. Malgré une brève embellie dans les sondages, elle ne parvient pas à renverser le cours d’une dynamique défavorable, et cède le terrain à un Trump ressuscité.

Ce fiasco n’est pas seulement électoral : il est d’abord éthique. Il met à nu la myopie d’une élite politique persuadée que la loyauté prime sur la lucidité, que la continuité l’emporte sur l’adaptation, et que la figure présidentielle, même vacillante, peut encore faire illusion. Or la démocratie ne se gouverne pas au mépris du réel. Elle exige un courage qui, en 2024, a cruellement fait défaut à ceux qui avaient la charge de la défendre.

Ce péché originel, comme le nomme Tapper, n’est pas tant celui d’un homme seul que celui d’un système qui a préféré l’autosuggestion à la clairvoyance. Il est, en définitive, le symptôme d’un parti démocrate en perte de repères, incapable d’anticiper, de se renouveler, de reconnaître que la légitimité ne se décrète pas, elle se mérite.

La défaite de Kamala Harris n’est donc pas uniquement l’échec d’une candidate c’est celui d’une génération politique incapable de penser sa propre relève.

Et tandis que Donald Trump, auréolé de son retour, réinstalle son pouvoir, les démocrates contemplent les décombres d’une opportunité manquée. Ce n’est pas une page qui se tourne, mais tout un chapitre qui s’effondre, victime d’un orgueil qui, faute d’avoir su se retirer à temps, aura sacrifié la victoire sur l’autel de la persévérance aveugle.

La campagne présidentielle de 2024 a été un désastre pour les démocrates, marquée par l’échec moral et stratégique du camp de Joe Biden

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