Cent jours durant lesquels, contre toute attente, la ville a semblé s’arracher au chaos prolongé qui l’ensevelissait, pour s’éveiller à l’ombre d’un nouvel ordre, controversé, certes, mais porteur d’une relative accalmie que d’aucuns n’osaient plus espérer.
La chronique de ces premières semaines sous la férule de l’AFC/M23 esquisse un récit de contraste : entre la sidération initiale et l’apparente normalisation, entre les stigmates du passé et les promesses d’un avenir moins incertain. Là où les nuits étaient jadis ponctuées de tirs, d’intrusions violentes et de disparitions, elles sont désormais prolongées par l’activité commerçante, par des échoppes ouvertes tard dans la nuit, par une certaine légèreté retrouvée dans les gestes quotidiens.
Les témoignages recueillis sur place convergent vers une constatation commune : la peur, maîtresse absolue des jours passés, semble s’être retirée du moins en surface. Les FARDC et les milices wazalendo, jadis omniprésents dans l’imaginaire traumatique des Gomatraciens, se sont évanouis du paysage immédiat, remplacés par une administration de rupture, soucieuse de projeter une image de stabilité et de fermeté.
Il serait cependant imprudent de confondre accalmie et paix durable. L’équilibre observé est fragile, né d’une autorité imposée par la force des armes et encore marquée par des zones d’ombre. L’aéroport de Goma demeure interdit d’usage, son enceinte parsemée d’engins explosifs non désamorcés, vestiges menaçants d’un conflit à peine suspendu.
L’activité bancaire reste paralysée, et avec elle une partie de la vitalité économique de la région. Les institutions judiciaires et éducatives peinent à reprendre leur souffle, dans un climat où la légitimité du pouvoir reste discutée à l’échelle nationale comme internationale.
Mais il serait tout aussi injuste de nier les signes tangibles d’un mieux-être relatif : la fréquentation renouvelée des marchés, la baisse des prix sur les étalages, la liberté de circulation recouvrée, tous ces éléments constituent les balbutiements d’un possible redressement.
Le peuple de Goma, longtemps broyé entre l’indifférence des élites et la brutalité des armes, manifeste une résilience admirable. Il tente de faire confiance, non à une bannière idéologique, mais aux faits, à ce quotidien moins oppressant, à cette trêve de l’insécurité qui redonne souffle à la vie.
La grande interrogation demeure : s’agit-il d’une parenthèse dans un cycle inachevé de violences, ou du prélude à une refondation politique plus ambitieuse, plus inclusive, plus juste ?
Les cent jours de l’AFC/M23 à Goma seront jugés à l’aune de leur capacité non seulement à contenir le désordre, mais à reconstruire un tissu social, institutionnel et moral gravement abîmé par le régime de Tshisekedi.
Car si l’histoire tourne, comme le dit le peuple avec une sagesse acquise à la dure, elle ne le fait jamais sans mémoire. La stabilité véritable ne s’écrit pas seulement dans le silence des armes, mais dans la reconnaissance des douleurs passées, dans la restauration des droits, et dans la capacité de bâtir un avenir commun au-delà des lignes de fracture.
Le défi est immense. Le temps dira si l’AFC/M23 l’a compris. Mais pour l’heure, Goma respire. Et c’est déjà, pour cette ville suppliciée, une forme de victoire.

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